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Derniers réglages pour les ELTIF 2.0

Si la date d’entrée en application du Règlement ELTIF 2.0 est bien gravée dans le marbre (10 janvier 2024), il en va différemment des quelques dernières pièces maîtresses de cette réglementation encore attendues par la plupart des acteurs du marché, au premier rang desquelles figurent les regulatory technical standards (RTS) dont l’ESMA vient tout juste de publier une première version (19 décembre 2023) mais l’ultime mouture devra encore être validée par la Commission européenne.

De la version finale de ces RTS ainsi adoptée par la Commission découleront notamment les conditions concrètes permettant la création de fonds dits « evergreen » ainsi que la possibilité pour les gestionnaires d’offrir à leurs investisseurs une faculté de rachat de leurs parts ou actions d’ELTIF en cours de vie. Autant dire qu’il s’agit là d’enjeux essentiels pour une industrie de la gestion d’actifs soucieuse de pouvoir répondre à une demande croissante de liquidité de la part de ses investisseurs, notamment en matière de distribution via des contrats d’assurance.

Aucune date spécifique de finalisation de ces RTS n’a néanmoins à ce stade été formellement communiquée, même si différentes sources concordantes l’espèrent début 2024, avec une date d’effectivité intervenant vraisemblablement durant le premier semestre 2024. Dans tous les cas de figure, nombre de sociétés de gestion devront ajuster les projets de documents d’ELTIF 2.0 qu’elles ont par ailleurs déjà pu soumettre à leurs autorités respectives afin de prendre en considération la version définitive de ces RTS, même si les premiers développements fournis par l’ESMA au titre des projets de RTS fournissent d’ores et déjà un premier niveau de visibilité sur les exigences attendues en la matière. L’AMF a d’ailleurs en ce sens pu informer les associations professionnelles, sur une base informelle, de la possibilité d’obtenir un agrément ELTIF 2.0, y compris s’agissant d’ELTIFs ouverts aux rachats, sous réserve néanmoins d’insérer une clause de revue des dispositifs de gestion de la liquidité qui auront été le cas échéant prévus dans la documentation de ces fonds, et ce à l’aune des RTS finalisés. Tous les acteurs espèrent encore néanmoins éviter l’incertitude juridique qui résulterait d’une entrée en application du Règlement ELTIF 2.0 dépourvue de RTS totalement stabilisés.

Sur le front français, l’ensemble des acteurs, trésor, AMF et associations professionnelles en tête, se sont activement mobilisés pour permettre une adaptation rapide du cadre réglementaire français aux enjeux résultant d’ELTIF 2.0. La loi relative à « l’industrie verte » a ainsi été définitivement adoptée et publiée au journal officiel le 23 octobre dernier, permettant ainsi non seulement des mesures spécifiques permettant de faciliter la labélisation de FPCR et/ou OPCI existants en ELTIF, notamment en allégeant les contraintes réglementaires normalement applicables à ces véhicules sans néanmoins en dénaturer leur objet premier (à savoir leur caractère immobilier ou leur exposition aux actifs non cotés), mais aussi et surtout une éligibilité de principe et sans restrictions particulières en unités de compte (UC) de contrats d’assurance-vie pour les ELTIFs ouverts au grand public, y compris lorsque ces derniers sont structurés sous forme de fonds professionnels spécialisés (FPS) ou d’organismes de financement spécialisé (OFS). L’éligibilité des FPS-ELTIF, laquelle ne sera désormais plus conditionnée au respect du ratio dit de « capital investissement » qui imposait à ces véhicules d’investir majoritairement dans des actifs non cotés, ainsi que celle des OFS, non prévue jusqu’alors, offrent ainsi de nouvelles perspectives de structuration – et de commercialisation – pour les sociétés de gestion et les assureurs. Seul point de vigilance : une entrée en vigueur de ce dispositif d’éligibilité en UC prévue finalement pour octobre 2024, et un décret d’application restant à publier ! Une telle échéance, motivée par la volonté de laisser aux différents acteurs du monde de l’assurance un délai suffisant en vue de s’adapter à cette réforme, pourrait néanmoins également avoir pour effet collatéral un décalage dans le temps de bon nombre de projets de création d’ELTIF 2.0 en France, l’éligibilité un UC de fonds français labellisés ELTIF 2.0 étant en effet l’un des atouts majeurs de l’hexagone en matière de compétitivité et de domiciliation de fonds.

A l’aune des difficultés de liquidité des supports immobiliers commercialisés en contrat d’assurance-vie, l’essor du phénomène de « retailisation » des fonds d’investissement alternatifs sur actifs réels par le biais notamment du Règlement ELTIF 2.0 dépendra de l’adaptation des contraintes de liquidité à l’égard d’investisseurs souvent habitués à bénéficier d’un droit au rachat plus ou moins encadré. La capacité pour les gestionnaires d’ELTIF 2.0 à offrir certains standards de liquidité à leurs investisseurs, tout en ne dénaturant pas le caractère « long terme » des ELTIF 2.0 (inhérent à la maturité des actifs sous-jacents), constituera ainsi un élément clé du développement d’ELTIF 2.0 ouverts au grand public.

L’enjeu s’avère encore plus saillant dans le domaine de l’assurance-vie dans la mesure où, à défaut de disposer d’une véritable capacité de rachat au niveau de l’ELTIF, les assureurs devront assumer eux-mêmes tout ou partie du risque de liquidité inhérent à ce type de véhicule. L’enjeu n’est donc pas anodin. Gageons que le Commission européenne saura en tenir compte lors de la revue des RTS qui viennent de lui être proposés par l’ESMA.

*Article publié le 21 décembre 2023 sur L’Agefi.fr (disponible en ligne ici).