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Vers un « green deal » européen ?

Un éventail de propositions politiques et législatives vise à rendre l’Europe « neutre sur le plan climatique » d’ici à 2050. Romaric Lazerges et Arthur Sauzay, avocats au cabinet Allen & Overy, nous éclairent sur l’impact de ces nouvelles normes environnementales sur les entreprises.

La neutralité climatique à horizon 2050, c’est l’objectif affiché du « Green Deal » de l’Union européenne en 2019 : est-il toujours d’actualité ?

Romaric Lazerges : Annoncé par la Commission européenne en décembre 2019, ce Pacte vert entend revisiter l’ensemble des politiques européennes à l’aune de l’objectif de neutralité climatique. Un objectif commun qui est au centre de l’actualité depuis les récents rapports du GIEC. Il y a même une volonté d’accélération, notamment sur le soutien à la production d’hydrogène. Le plan entre aujourd’hui dans sa déclinaison concrète qui suppose des arbitrages complexes.

Comment cette ambition se transforme-t-elle en politique concrète ?

Arthur Sauzay : Le Green Deal s’appuie avant tout sur la production de normes. Il se décline en plans d’actions tels que celui pour l’économie circulaire. Ils regroupent des initiatives législatives de deux types : le renforcement de législations européennes existantes – comme celle sur le système d’échanges de quotas de gaz à effet de serre – et l’élaboration de nouvelles législations, comme la taxonomie verte ou le très emblématique mécanisme d’ajustement carbone aux frontières [MACF, NDLR], autrement dit la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Pour l’instant, nous en sommes encore à la phase des propositions des textes par la Commission. Les négociations avec le Conseil et le Parlement ont commencé sur certains textes, mais peu sont aujourd’hui finalisés. L’un des plus avancés est le règlement sur les batteries, qui crée un cadre visant à verdir la fabrication et la fin de vie des batteries, y compris celles des véhicules et du stockage de l’électricité. Les entreprises doivent donc être attentives à suivre les initiatives qui les concernent.

Certaines de ces législations concernent tous les secteurs d’activité, lesquelles notamment ?

Arthur Sauzay : Deux propositions de directives sont transversales et majeures pour les entreprises : celle sur le reporting extra-financier et celle sur le devoir de vigilance européen. La première devrait être adoptée cette année par Bruxelles pour une application en 2024 portant sur l’exercice 2023. Par rapport aux obligations actuelles (notamment celles de la Déclaration de performance extrafinancière en France), le nouveau cadre pourrait concerner 50 000 entreprises en Europe au lieu d’environ 10 000 actuellement. Surtout, les indicateurs et informations à publier couvriront désormais l’ensemble des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ce qui va obliger ces organisations à mettre en place des systèmes de recueil de données beaucoup plus fins qu’auparavant, avec des dizaines de types d’information à remonter. Et à anticiper les contentieux qui pourraient naître de cette transparence accrue.

Romaric Lazerges : La directive sur le devoir de vigilance vise à obliger les entreprises à identifier les risques qu’elles peuvent faire peser sur les droits humains et l’environnement, et à prendre les mesures raisonnables permettant de les limiter. Ce projet est influencé par la législation française en vigueur depuis 2017. Mais son périmètre d’application sera élargi et concernera des milliers d’entreprises en Europe. La Commission envisage également la mise en place d’autorités compétentes dans chaque pays, des « gendarmes » de la vigilance en quelque sorte et, en cas de manquement, des actions en responsabilité et sanctions seront possibles. La pression va donc s’accroître sur les entreprises, notamment à l’initiative des ONG. Il faut s’y préparer.

*Article publié dans le numéro de juin 2022 de HEC Stories et disponible en ligne ici.