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Le suivi médical des salariés après la « Loi Travail »

Poursuivant le travail initié par la loi « Rebsamen » du 17 août 2015, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « Loi Travail », poursuit la réforme du rôle de la médecine du travail. Ces dispositions, précisées dans un décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017.

Le suivi individuel du salarié

La visite d’information et de prévention est venue remplacer la visite médicale d’embauche. S’inscrivant dans l’objectif d’assurer un suivi médical à tous les salariés, cette visite sera pratiquée par un membre de l’équipe pluridisciplinaire de santé mentionnée à l’article L.4624-1 du Code du travail, et non plus seulement par le médecin du travail. Elle doit avoir lieu dans les trois mois suivant la prise de poste.

L’objet de cette visite est d’interroger le salarié sur son état de santé, de l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail, de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre, de s’assurer qu’il n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs, d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail, et de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.

A l’issue de cette visite, le professionnel de santé délivre au salarié et à l’employeur une « attestation de suivi », qui remplace donc l’avis d’aptitude précédemment utilisé. Le modèle de cette attestation sera défini par arrêté, non paru à ce jour.

L’employeur peut toutefois être dispensé d’organiser la visite d’information et de prévention lorsque les conditions ci-dessus sont remplies :

•Le salarié a bénéficié d’une visite d’information et de prévention dans les 5 ans précédant son embauche,
•Il est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents,
•Le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude,
•Aucune mesure individuelle de poste n’a été formulée et aucun avis d’inaptitude n’a été rendu depuis 5 ans.

Enfin, la périodicité entre la visite initiale et une nouvelle visite individuelle est de 5 ans maximum. Ce délai est fixé par le médecin du travail qui prend en compte « les conditions de travail, l’âge et l’état de santé du salarié, ainsi que les risques auxquels il est exposé ». Certaines populations peuvent toutefois bénéficier d’un suivi plus adapté, avec une périodicité réduite à 3 ans : travailleurs handicapés, travailleurs titulaires d’une pension d’invalidité et travailleurs de nuit. Les salariés des deux premières catégories peuvent également être immédiatement orientés vers le médecin du travail afin qu’il préconise des adaptations à leur poste de travail.

Le suivi médical renforcé

Les salariés concernés par ce suivi sont ceux qui sont affectés à un poste présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ou pour celles de leurs collègues ou des tiers.

Les postes devant faire l’objet d’un tel suivi médical sont : (i) ceux exposant les salariés à l’amiante, au plomb, aux agents cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, etc., ainsi que (ii) tout poste « pour lequel l’affectation sur celui-ci est conditionnée à un examen d’aptitude spécifié par le Code du travail ». La liste pourra être complétée par l’employeur, après avis du médecin du travail et du CHSCT. Enfin, cette liste doit être transmise au service de santé au travail, tenue à la disposition de la Direccte, et être mise à jour chaque année.

Le suivi individuel renforcé comprend un examen médical d’aptitude effectué par le médecin du travail préalablement à l’affectation sur le poste. Cet examen, qui se substitue à la visite d’information et de prévention, a notamment pour objet de s’assurer que le travailleur est médicalement apte au poste, de rechercher si le travailleur n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs, de proposer des adaptations éventuelles du poste ou l’affectation à d’autres postes, d’informer le travailleur sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire et de sensibiliser le travailleur sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.

A l’issue de cet examen, un avis d’aptitude ou d’inaptitude est transmis au salarié et à l’employeur.

La périodicité entre deux examens médicaux d’aptitude ne peut excéder 4 ans. Une visite intermédiaire doit en outre être effectuée par un professionnel de santé 2 ans au plus tard après la visite avec le médecin du travail.

Des dispenses de visite sont également possibles dans les mêmes conditions que pour un salarié occupant un poste ne présentant aucun risque particulier. La seule différence est le délai de 5 ans qui est remplacé par le délai de 2 ans concernant le suivi médical renforcé.

La constatation de l’inaptitude

Sur la base du constat que 95 % des inaptitudes se soldent par un licenciement, l’inaptitude est profondément réformée avec un accent porté sur la prévention et les échanges préalables au constat d’inaptitude.

L’inaptitude d’un salarié est désormais constatée à l’issue d’une seule visite et non plus de deux visites espacées de 15 jours. Afin de déclarer l’inaptitude de salarié, le médecin du travail doit obligatoirement effectuer au minimum (i) un examen médical de l’intéressé (avec éventuellement deux examens complémentaires), permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation, (ii) une étude du poste, (iii) une étude des conditions de travail dans l’entreprise, (iv) un échange par tout moyen avec l’employeur et (v) un nouvel échange avec le salarié.

C’est seulement s’il l’estime nécessaire que le médecin du travail effectuera un second examen dans un délai maximal de 15 jours.

La contestation de l’avis d’aptitude ou d’inaptitude est dorénavant de la compétence du conseil de prud’hommes, et non plus de l’inspection du travail. Le conseil de prud’hommes sera saisi, en sa formation de référés, d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près de la cour d’appel, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis.

Hormis les cas de dispense de recherche de reclassement, qui comprennent dorénavant la mention dans l’avis que le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement, l’employeur reste tenu par son obligation de recherche de reclassement. La principale nouveauté est l’obligation dorénavant faite à l’employeur de consulter les délégués du personnel – s’ils existent – sur les propositions de reclassement, quelle que soit l’origine de l’inaptitude. Toutefois, l’alourdissement de la procédure peut être contrebalancé par la position récente de la jurisprudence qui autorise désormais l’employeur à prendre en considération la position exprimée par le salarié pour orienter ses recherches de reclassement (Cass. Soc. 23 novembre 2016, n° 15-18092 et n° 14-26398, FS-P+B+R+I).